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16 novembre 2017

Mise à mort du cerf sacré

Mise à mort du cerf sacré

Steven Murphy est un chirurgien respecté qui vit tranquillou bilou avec sa femme Anna et ses deux enfants, Bob et Kim, dans une grande et belle maison d'un quartier aisé. Depuis quelques temps, Steven est devenu très proche d'un garçon, Martin, qui a perdu son père. Mais celui-ci n'est pas très net et son comportement est plus qu'étrange. Que viens-tu réellement faire ici Martin ? Tiens ? Ne serait-ce pas une espèce de malédiction qui arrive tout droit vers la famille Murphy ? Bigre de bigre, j'ai hâte de connaître la suite, enfin moi je la connais, j'ai déjà vu le film, mais vous, ça doit vous intriguer non ? Non ? Bref, continuons...

C'est un film qui est méchant avec ses personnages, dans le sens où le scénario ne leur fait pas de cadeau. Mais aussi avec le spectateur. Il cherche à le gêner, l'horrifier et lui faire ressentir un certain malaise, que ce soit visuellement ou auditivement avec certains sons stridents et fortement désagréables. La scène d'introduction en est un bon exemple : écran noir, musique classique puis gros plan sur un opération chirurgicale à cœur ouvert. On ne sait comment réagir, on est désorienté, curieuse manière de présenter le métier de Steven, mais la scène annonce la curiosité morbide du spectateur à venir quand aux péripéties de la famille Murphy.

Le malaise vient aussi beaucoup du jeu d'acteur de Barry Keoghan dont on à l'impression qu'il est constamment entre le jeu et la lecture de texte. Le résultat est plutôt étrange mais ça fonctionne bien avec le film. D'ailleurs le film lui-même a une histoire assez inexplicable. Comme si la réalité trempait un orteil dans le fantastique et que cela faisait des petits remous dans tout le film. Réalité qui en fait, de base, semble elle aussi assez irréelle : tout est propre, droit, uni, beau, parfait. La famille Murphy vit dans le meilleur des mondes et le seul problème est la longueur de cheveux de Bob, le fils (quand je dis réalité je parle de celle présentée dans le film, sinon ce n'est qu'une fiction hein, le vrai monde n'est pas aussi bien cadré).

Après des années de recherches pour retrouver son rasoir, Collin Farrell va-t-il enfin atteindre son but ?

Le film joue aussi avec des codes purement cinématographiques, comme les niveaux sonores : parfois un dialogue a lieu et la musique est plus forte que lui. Le dialogue n'est pas mis en sourdine, ou le son atténué, il est audible mais incompréhensible car la musique est trop forte. Mais également dans la mise en scène tout est cadré propre, pas une couleur qui jure avec le reste, pas un élément du décor qui ressort, tout est « parfait ». Ce qui rajoute d'autant plus au contraste de l'histoire qui va être racontée.

Autant de techniques pour désorienter le spectateur, lui montrer quelque chose qu'il n'a pas l'habitude de voir. Le désemparer et le faire sortir de ses habitudes cinématographiques. Mise à mort du cerf sacré ne vient pas prendre le spectateur par la main pour l'entraîner au fur et a mesure de son histoire, non, il plante le spectateur sur son siège et l'oblige a regarder ce qui se passe sous ses yeux, à subir les événements en même temps que les personnages. Et le spectateur, bien que malmené, essaie de rester attentif, de chercher une explication qui n'existe pas. Une justification sur l'essence du fantastique, le pourquoi du comment. Mais le film continue dans sa lancée sans céder une seule fois à la volonté du spectateur. Et comme je disais plus haut le spectateur entre dans une sorte de curiosité morbide quand à ce film qui le met mal à l'aise. Il a envie d'en savoir plus, même si pour cela il doit supporter la bizarrerie constante et le décalage ambiant amené par Barry Keoghan. (anecdote: dans la salle ou j'ai vu Mise à mort du cerf sacré, une personne s'est levé pour quitter la salle quinze minutes environ avant la fin du film, elle est pourtant resté à la porte, debout, regardant la fin de la scène pendant plusieurs minutes avant de finalement sortir).

"Martin, est-tu sûr que ce n'est pas toi qui as mon rasoir ? Certain ?"

C'est le deuxième film de l'année qui met en scène Nicole Kidman et Colin Farrell, le premier étant le plutôt pas très bon Les Proies de Sofia Coppola, également présenté à Cannes et lauréat du prix de la mise en scène. Allez découvrir ou revoir la première version de Les Proies, réalisée par Don Siegel en 1971 avec sieur Clint Eastwood au top de sa forme, il est bien mieux. Pour le duo Farrell / Kidman, Mise à mort du cerf sacré, gagne la manche de très loin, que ce soit en tant que film ou même au niveau du jeu d'acteur. Collin Farell et Nicole Kidman sont vachement bons ensemble quant ils sont bien dirigés. Mais celui qui attire tout les regards ici n'est autre que l'étrange Barry Keoghan, jeune acteur irlandais que l'on a déjà pu voir cette année dans Dunkerque de Christopher Nolan. Il trouve le ton juste pour rendre son personnage crédible dans l'univers qu'on nous montre tout en restant en constant décalage avec les autres personnages, que ce soit par son phrasé ou par son jeu.

Ce film est donc un objet étrange, à la fois attirant et repoussant. Il réussi à mettre mal à l'aise tout en attisant une certaine curiosité de notre part. Naturellement intriguant, déjà par son titre : Mise à mort du cerf sacré, c'est pas banal, le long-métrage de Yórgos Lánthimos est donc une bonne surprise, assez inattendue certes, mais carrément chouette. Et même si ce n'est pas le genre de film qu'on irait voir tout les deux jours, on en redemande sur le long terme !

 

 

Mise à mort du cerf sacré de Yórgos Lánthimos

Avec Colin Farell, Nicole Kidman, Barry Keoghan, Bill Camp, Alicia Silverston etc...

 

 

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